L’obsession du corps, du corps normé, jeune, mince, souple, est partout. Nous avons tous et toutes dans la tête cette image idéale de ce que nous devrions être, et ne sommes malheureusement pas. Malheureusement? Oui, car bien souvent l’écart entre le corps rêvé et le corps réel est source de souffrance. Pour atteindre cet idéal, beaucoup sont prêts aux sacrifices, aux efforts, aux privations. L’un se jette à corps perdu – c’est le cas de le dire – dans le sport à outrance. L’autre court consulter un diététicien qui, à grand renfort de régime hypocalorique, sera à même de l’aider à perdre ces quelques kilos qui lui gâchent la vie. Le troisième ne fait rien, mais ne cesse jamais de se lamenter de n’avoir pas le courage d’entreprendre un grand ravalement généralisé.
D’où vient cette folie? Pourquoi acceptons-nous de nous y soumettre?
Et si nous décidions de renverser les perspectives?
Plutôt que de chercher absolument à faire réduire à petit feu notre corps de manière à ce qu’il colle à l’image idéale qu’impose notre tête, saturée d’images fabriquées de toutes pièces, obligeons notre tête à coller à ce corps qui est le nôtre. A l’investir pleinement, à l’habiter de la façon la plus vivante possible. Après tout, être fort/forte, cela peut aussi signifier qu’on est une personne solide, stable, sur laquelle les autres peuvent compter. Avoir quelques rondeurs, n’est-ce pas le signe tangible qu’on aime la vie et toutes ses nourritures? Qu’on est plein, plein d’énergie, d’entrain, d’idées? Pourquoi être enrobé devrait-il signifier systématiquement paresse et laisser aller, plutôt que douceur, tendresse et capacité à l’empathie?
La dictature que subissent nos corps n’est que l’écho de ce qui se passe ailleurs, à d’autres niveaux, où l’obsession du « dégraissage », de la chasse à la « mauvaise graisse », de l’économie à tout prix et de la norme dévitalisent peu à peu tous les domaines de la société. La vie, ce n’est pas se brimer en permanence, en espérant atteindre un nirvana esthétique dont on attend qu’il résolve tous les problèmes. La vie, ce n’est pas se forcer à être cet idéal de papier glacé, figé et déjà mort.
Il est temps de se ré-approprier nos corps, nos silhouettes, nos morphologies, et avec, notre vie. Jeter aux ordures ces diktats alimentaires, comportementaux et bien-pensants, en pratiquant cet exercice que nous avons tous un peu oublié : s’écouter! Ecouter sa faim et sa satiété, écouter ses envies et ses rêves, écouter celui ou celle qui en nous sait aussi dire non, stop, là, ça va trop loin… Dans cette société en crise, encamisolée dans une Europe mortifère et saturée par le pessimisme médiatique et l’angoisse qui en découle, on oublie un peu trop souvent que c’est d’abord le plaisir, le moteur de la vie.
Il ne s’agit pas de se lâcher, ni de faire n’importe quoi. Il s’agit de dire non à ceux qui veulent décider pour nous et nous faire entrer dans des moules ou des cases. Il s’agit d’être pleinement soi-même, sans honte et sans fausse pudeur, en assumant cette belle singularité qui fait de chacun de nous un être profondément humain et infiniment précieux.
A lire sur le sujet : l’essai de Jean-Claude Kaufman, La guerre des fesses, chez J-C Lattès.
GP
Bien vu, c’est en étant bien dans sa tête qu’on peut ensuite être bien dans son corps…
@ Yv : ou vice-versa! 😉
Je connais une personne qui, ayant un corps déformé, douloureux, dérangeant à regarder, l’assume tout à fait, et s’habille, se maquille, etc, comme si elle était « normale » …
Loïc
Eh bien bravo! 🙂
Voilà un billet qui colle bien avec ta positive attitude 😉
Oui, j’essaie! Il y a des jours fastes et d’autres moins fastes quand même…
C’est un combat qui est important, quand je vois autour de moi comme le manque de confiance peut réduire à néant la moindre envie d’essayer, de vivre, d’être juste soi-même…
il faut s’accepter tel que l’on est et aussi faire des efforts pour s’améliorer et ne pas vouloir ressembler à telle ou telle autre personne
@ Flipperine : c’est vrai, mais c’est parfois plus facile à dire qu’à faire! 🙂