Les eaux troubles du mojito

delermIl y a les fans de Delerm qui apprécient son écriture sensible, sa manière de décrire un univers feutré et nostalgique par petites touches délicates. Et puis il y a les autres. Ceux qui restent en dehors de ce monde un peu trop gentil et consensuel. J’en fais partie. J’ai lu ces Eaux troubles sans être troublée une seconde, ni même touchée par ces courts chapitres qui évoquent le Guignolet, la chair fondante de la pastèque ou les cadenas du Pont des Arts. Il me semble que tout cela fleure une France qui n’existe plus que dans le souvenir de certains.

Je n’ai pas aimé cet emploi du « on » qui rend tout impersonnel. Delerm écrit, mais comme s’il n’était pas vraiment concerné par les sujets qu’il aborde. Il reste à la surface. C’est une écriture sans chair et sans os, qui ne creuse pas et ne fait qu’effleurer. Il n’y a rien qui fâche dans ces textes, rien qui froisse. Tout est calme, feutré, douillet. Une écriture « plaid en mohair et charentaises », en quelque sorte…

Depuis La première gorgée de bière, on dirait que l’écriture de l’auteur n’a pas évolué. Le monde est abordé de la même façon infinitésimale. Ce pourrait être poétique. C’est juste lassant et banal…

Alors les masques tombent. En quelques secondes et sans transition apparente on en vient à une pudeur compassionnelle délicate. Ces deux gars pas gênés qu’on a failli trouver insupportables se révèlent délicieux, subtils, et délicats. On s’en tient à quelques mots espacés. Mais les yeux sont si chauds. Il faut tout se dire en quelques minutes, même le remords de s’être d’abord trompé de rencontre. On ne sait pas quand on va se quitter. Ils se lèvent à Opéra. Trois ou quatre stations, un trajet dérisoire et suffisant pour se dire que l’on s’aime.

D’autres avis : Leiloona qui a succombé au charme et Jérôme pas plus enthousiaste que moi…

Les eaux troubles du mojito, Philippe Delerm, Le Seuil. 

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21 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Yv dit :

    C’est le problème avec P. Delerm, il ne se renouvelle pas, et franchement c’est ennuyeux à lire

    1. @ Yv : c’est un peu comme s’il était enfermé dans ce qui lui a valu sa notoriété, et incapable d’en sortir…

  2. Leiloona dit :

    Je proteste ! 🙂 Yv, c’est comme si on demandait à Cabrel de faire autre chose que du Cabrel, non ? 🙂

    Sinon, quand tu dis « Il me semble que tout cela fleure une France qui n’existe plus que dans le souvenir de certains. », il ne s’agit pas d’une France utopique pour moi, mais une vision de la vie qui permet de ne pas flancher face à toutes les atrocités que nous voyons. Faire des petits riens des voies pour être mieux, en somme.

    Bon, tu l’as remarqué, je n’aime pas trop le « procès » qu’on lui fait … après tout, s’il écrit ainsi, pourquoi écrirait-il autrement, pourquoi devrait-on se renouveler ? 🙂 (Cf mon exemple plus haut.)

    1. @ Leiloona : qu’on reconnaisse une marque de fabrique, un style, une patte… je suis d’accord. Que pendant vingt ans, un auteur écrive toujours de la même façon, sans varier d’un iota, j’appelle ça trouver un filon et l’exploiter jusqu’à épuisement total. C’est une démarche commerciale, pas de la littérature…

  3. ex-In Cold Blog dit :

    Pour une fois, on a eu la même lecture d’un livre.
    Si le côté « plaid en mohair et charentaises » n’était pas forcément pour me déplaire a priori, je suis resté insensible à cette accumulation de petits riens tout juste esquissés, sans la moindre trace d’émotion… Heureusement, le livre n’est pas bien épais et la punition ne dure pas trop longtemps.

    1. @ Ex ICB : oui, ça en devient presque mécanique. Aucune émotion, c’est exactement ça…

  4. Plume dit :

    C’était mon premier Delerm, sans le trouver du tout transcendant j’ai apprécié qu’il soit une courte parenthèse qui reste en surface, léger, peut-être suis-je trop bisounours 🙂 https://lequatriemedecouverture.wordpress.com/2015/09/13/les-eaux-troubles-du-mojito-et-autres-belles-raisons-dhabiter-sur-terre/

    1. @ Plume : non, je pense que c’était parce que c’était une découverte… Si tu en lis d’autres, tu finiras peut-être aussi lassé par cette impression de lire toujours la même chose… Je vais aller découvrir ton billet.

      1. Plume dit :

        Je me demande donc si j’ai envie d’en lire d’autres 🙂

  5. Aifelle dit :

    Décidément, les déçus sont nombreux sur ce titre. Il m’attend dans ma PAL, je me ferai ma propre idée.

    1. @ Aifelle : oui, les billets négatifs sont assez nombreux, c’est vrai… Mais il reste quelques inconditionnelles quand même! 😉

  6. manika27 dit :

    Je crois en avoir lu un mais je n’ai pas persévéré

    1. @ Manika : tu es pardonnée! 😉

  7. keisha dit :

    J’ai lu plusieurs Delerm, j’aimais bien, mais là je suis restée sur le bord (seuls deux trois textes m’ont parlé) Il écrit joliment, pas de souci, mais;.. Au dernier masque et la plume, pareil, avis partagés.

    1. @ Keisha : oui, c’est dommage que son écriture n’entre pas plus profondément dans la chair, et reste à la surface, loin du siège des émotions…

  8. anne7500 dit :

    Ah tu m’as fait rire ! « Ecriture « plaid en mohair et charentaises » wharf ! Je dois avoir lu deux ou trois Delerm et puis j’ai compris. Donc (autre cause de rire) : mais pourquoi t’es-tu acharnée à le lire si tu sais que tu n’aimes pas ? 😉

    1. @ Anne : parce que j’avais promis de donner mon avis… voilà pourquoi!

  9. noukette dit :

    Tu as tout dit ! J’en ai baillé d’ennui…

    1. @ Noukette : ça ne m’étonne pas vraiment…

  10. sylire dit :

    Je fais partie de ceux qui restent à l’extérieur. Je trouve ce genre de nouvelles sans grand intérêt. Et j’ai un peu l’impression qu’il exploite un filon.

    1. Exactement la même impression pour moi…

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