Joyce Carol Oates s’est fait une spécialité d’explorer les bas-fonds de l’inconscient américain. Son écriture précise débusque comme un scalpel les noirceurs, les lâchetés et les renoncements d’une société qui oscille entre désarroi et décadence. Dans Délicieuses pourritures, elle replace le lecteur dans l’ambiance des campus durant les années soixante-dix. A travers les souvenirs de Gillian Bauer, l’auteure met en lumière les mécanismes de la manipulation.
Sur ce campus féminin de la Nouvelle-Angleterre, la jeune Gillian suit les cours d’écriture et de poésie d’un professeur, Andre Harlow. Homme en apparence charismatique, marié à une femme sculptrice dont les œuvres dérangent profondément, Andre aime pousser ses étudiantes dans leurs retranchements, et les incite à se dévoiler le plus intimement possible à travers la tenue d’un journal qu’il les oblige à lire ensuite, devant toute la classe. Des rumeurs courent à son sujet. Comme au sujet des alarmes incendies qui se déclenchent inopinément dans les bâtiments du campus.
Fascinée par cet homme, pleine d’illusions sur la nature de l’amour, Gillian cherche à complaire à Andre afin de se rapprocher de lui. Elle réussira au-delà de ses espérances, tombant peu à peu, sans le savoir, ni le comprendre, sous la coupe d’un couple pervers et manipulateur.
Délicieuses pourritures est écrit à l’encre bien noire et n’épargne rien ni à son héroïne ni au lecteur, qui suit, médusé (et dégoûté), la trajectoire de ce papillon attiré par la flamme néfaste. Alors que la liberté sexuelle est revendiquée d’un bout à l’autre du pays, ces jeunes étudiantes encore naïves et immatures, confondent amour et sexualité. Elles forment des proies faciles et consentantes. Il faut dire que la figure du professeur, aux Etats-Unis, est bien plus forte qu’ici, en France et cela favorise d’autant l’emprise que certains peuvent exercer sur des jeunes femmes inexpérimentées, et seulement nourries de littérature.
L’ambiance est glauque, et la relation qui se met en place entre Gillian et ce couple, profondément malsaine. La fin est en quelque sorte annoncée. Un roman court, dense et qui ne dépare pas avec ce que Oates a écrit avant et après… Car elle n’hésite jamais à jeter des poignées de poil à gratter dans notre bonne conscience de lecteur. Aussi, vous êtes prévenus : âmes sensibles, abstenez-vous!
L’avis de Noukette
Délicieuses pourritures, Joyce Carol Oates, J’ai lu.
Je vais m’abstenir ! pas envie de glauque en ce moment.
Peut-être que « glauque » est exagéré… malsain est plus juste je pense. Mais c’est intéressant, notamment pour voir la manière dont la fascination nait…
Comme Aifelle : je refuse le glauque chez Oates
Carrément! 😉
Je viens de refermer « le vous amène », une histoire détestable mais quel talent!
Oui, on est loin du « happy ending » chère aux Américains… 😉
Je l’ai lu merci de me rappeler le scénario car ce n’était plus très net dans mon souvenir. En effet, c’est glauque… Oates a l’art de mettre mal à l’aise avec une parfaite maîtrise de son sujet.
Elle appuie là où ça fait mal… Je n’aime pas tout ce que j’ai lu d’elle, mais j’apprécie sa démarche.
Bon il va vraiment falloir que je fasses connaissance avec cette auteure.
Ah oui, c’est une incontournable. Peut-être Mudwoman, je ne l’ai pas encore lu mais on m’a dit qu’il était vraiment bien.
Une ambiance poisseuse, à la Oates, je me souviens encore très bien de ce roman oui !
Oui, il est petit mais puissant ce livre-là !