L’abandon du mâle en milieu hostile

image-1_2C’est au salon du livre de Quimper, samedi dernier, que j’ai enfin pu rencontrer Erwan Larher, chouchou de nombreuses blogueuses qui ne tarissent pas d’éloges sur l’auteur et ses romans. Quand on le voit, on comprend mieux cet engouement : charmant, drôle et affectueux (c’est lui qui le dit), Erwan Larher est aussi très touchant quand il avoue ne pas savoir raconter les histoires de ses livres, et sort ses fiches plastifiées où sont imprimés brefs résumés et avis de lecteurs (non, vraiment, c’est trop mignon… pardon, je me reprends…). Si j’ajoute qu’il est à 50% Breton, tout le monde conviendra que Morgane et ses consœurs se sont décidément penchées sur le berceau de cet homme-là !

C’est donc avec une certaine impatience qu’il me tardait de me plonger dans un roman larhérien. Je ne sais pas pourquoi, les sédiments d’anciens billets lus ici et là, m’avaient amenée à croire que l’écriture de l’auteur tendait vers le loufoque. Il n’en est rien.

L’abandon du mâle en milieu hostile est l’histoire d’amour entre le narrateur, fils unique de parents très à droite (et donc très « comme il faut »), et une jeune fille aux allures punk, rebelle et brillante. Ils se croisent pour la première fois au lycée, à la fin des années 70, dans une France giscardienne qui étouffe un peu. Elle l’ignore. Il en est fou. Elle l’obsède et le fascine. Il est prêt à tout pour l’aimer, à devenir son ombre, ou même l’ombre de son chien. L’obstination finit par payer, et peu à peu, elle le laisse s’approcher. A tel point qu’ils finissent par vivre ensemble, et puis se marier. Mais comme chacun sait, les histoires d’amour finissent mal en général, et celle-ci n’échappe pas à la règle…

imgresErwan Larher nous offre à travers ce livre une superbe variation sur l’amour. L’amour sous toutes ses formes : celui qu’on se porte, ou pas, à soi-même, l’amour plus ou moins conditionnel des parents (et là, je dois souligner qu’il restitue extrêmement bien l’éducation qu’ont reçue les enfants nés entre 1965 et 1975, entre soumission aux diktats parentaux, ignorance des choses de la vie et naïveté totale…) et amour-amoureux. Le narrateur aime-t-il vraiment cette fille, ou veut-il seulement s’en faire aimer? Et puis, c’est quoi aimer? Faire confiance, préparer de bons petits plats, être là?

Insensiblement, l’histoire d’amour évolue, se mue en une autre histoire, de plus en plus complexe. Le rose se mêle au noir. Avec humour, empathie et finesse, l’auteur dit cette frontière infranchissable : celle de l’altérité. Cet Autre que l’on aime, jamais on ne pourra en faire le tour. Jamais on ne saura les profondeurs qui s’ouvrent en lui. Parce que c’est impossible, mais aussi parce qu’on préfère souvent ne pas voir. On s’aveugle, on ferme les yeux sur ces petits signaux d’alarme qui auraient dû nous sortir de la léthargie béate où nous étions confits…

Portrait en creux d’une femme extra-ordinaire, portrait en plein d’un homme qui peine à l’être, L’abandon du mâle en milieu hostile est servi par une plume alerte, incisive, qui s’amuse et se fend parfois d’une botte secrète qui laisse le lecteur sonné. Il y a du rythme et de l’intensité, un humour souvent terrible et des remarques, des allusions, qui font mouche.

Riche, et plein de cette humanité qui peut se montrer tantôt héroïque, tantôt veule, le livre d’Erwan Larher est un sacré roman, et même un sacré bon roman.

L’abandon du mâle en milieu hostile, Erwan Larher, Plon.

Retrouvez tout plein d’autres (bonnes) critiques sur Babelio.

J’en profite aussi pour mentionner le projet de résidence d’auteurs d’Erwan Larher, à Mirebeau, dans la Vienne. Une très belle idée, mais qui ne verra le jour que si on donne un petit coup de pouce. Toutes les infos ICI et sur le site du romancier.

20 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Olivia Billington dit :

    C’est un nom que j’ai déjà noté, faut que je le lise.

    1. @ Olivia : je pense que le style te plaira. Du punch!

  2. Une de plus!!! Ton billet est parfait.

    1. @ Mireille : Merci! Une très belle surprise, qui me donne envie de continuer…

  3. Aifelle dit :

    J’avais beaucoup aimé « Autogénèse » ; je continuerai volontiers celui-ci

    1. @ Aifelle : je parie que c’est Keisha qui t’avait donné envie! 🙂

  4. Quaidesproses dit :

    Bah mince alors, je suis passée à coté de cet auteur, moi. En tout cas, cet article me donne envie de lire ce livre, je le mets de suite dans ma WL. merci 🙂

    1. @ Quaidesproses : une tentation supplémentaire… mais tu verras, c’est pour la bonne cause! 🙂

      1. Quaidesproses dit :

        Je te fais entièrement confiance 😉

  5. keisha41 dit :

    Billet parfait!
    Tu sais j’ai TOUS les romans d’Erwan L chez moi… Je m’étonne que tu ne connaisses pas ce (demi) breton bien auparavant! Il a passé deux ans en résidence d’auteur pas loin de chez moi et est donc tout a fait fromage de chèvre /Berry compatible. De plus il écrit très bien et se renouvelle de roman en roman.

    1. @ Keisha : merci! Oui, je sais que tu es fan, et parmi les premières… je compte bien rattraper mon retard très vite. Et j’anticipe déjà un grand plaisir littéraire…

  6. sylire dit :

    Il est affectueux, il est mignon et en plus tu es sous le charme de son écriture. J’en connais un qui doit commencer à s’inquiéter 😉

    1. @ Sylire : Mais non, pas du tout! C. me connait… Quand je rencontre quelqu’un qui possède une belle humanité, j’y suis sensible, c’est vrai. Et je le dis, aussi. Parce que ça n’arrive pas tous les jours. Je ne vois pas en quoi il y aurait matière à s’inquiéter. J’y verrai là plutôt l’occasion de se réjouir. 😉

  7. Océane dit :

    Je ne connais absolument pas cet auteur, j’avoue n’être pas très intriguée, pour une fois je vais sagement m’abstenir de rallonger ma PAL 🙂

    1. @ Océane : ah zut, je n’ai pas été assez convaincante alors… 😉

  8. Nelfe dit :

    Ah ben mince je n’avais pas entendu parlé de cet auteur. Et j’étais aussi au Salon de Quimper 🙂

    1. @ Nelfe : tu devrais pouvoir te rattraper dans n’importe quelle bonne librairie! 😉

  9. saxaoul dit :

    Toujours pas lu cet auteur. Ce n’est pas faute de billets tentateurs !

    1. Oui, c’est un peu le chouchou de ces dames… 😉

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