Le charme indéfinissable des choses usées

Je ne sais plus quand j’ai pris l’habitude de rendre une visite quotidienne à la table du fond, dans le bar de la rue des Frênes. Un petit troquet, modeste, qui n’a pas dû changer beaucoup depuis les années cinquante. La porte reste ouverte, quelle que soit la saison. Une dizaine de bouteilles, des verres alignés, des…

Le vieux cinéma

Tu sais, parfois, avant même d’avoir commencé à agir, je sens que je commets une erreur. Pourtant, je m’entête. Comme si c’était plus fort que moi, qu’une main dans mon dos me poussait dans la mauvaise direction sans que je puisse rien y faire. J’ai senti cette force ce matin, alors que je quittais le…

Les draps

La terre sur le lit. La tache sur le drap. La trace de ton corps. Moment fugace, à peine attrapé, déjà relâché par la fenêtre ouverte sur l’été. Lin frais contre tes reins échauffés. Souvenirs plissés sous le poids des assauts. Où es-tu maintenant? Derrière les voilages qui ondulent, armée d’insectes qui zonzonnent dans la…

La maison dans les bois

La maison se dessine, noire, sur l’inextricable trame des branches effeuillées par l’hiver. Sa forme offre un repos momentané pour les yeux qui essaient de sortir de l’amas, de le dépasser, pour atteindre le ciel perclus de soleil. Eblouissement froid quand la lumière surgit à travers les nuages. Tu avances, retenu par la griffe des ronces…

Sous le tilleul

Tu fais quelques pas de plus et t’arrêtes sous le tilleul dont l’ombre dessine au centre de la cour de terre battue un cercle gris de Payne. Gris de peine, penses-tu, en regardant la façade autrefois élégante. Elle semble aujourd’hui rongée par une malédiction verdâtre, qui s’étale en longues coulures à l’angle des fenêtres. C’est…

A mourir

Il s’ennuie à mourir. L’après-midi s’étire, indolent et gavé, devant ses yeux qui voudraient dormir, mais ne le peuvent pas. Il attend. Dans la cuisine, sa mère et sa femme font la vaisselle. Son père s’est endormi sur un transat dans le jardin. Les mômes? Ils doivent être dans le grenier en train de commettre…

Harem

Moi, les mecs, je les aligne et je les shoote. Je parie que ça vous choque. Vous êtes de ces gens qui ne trouvent pas inacceptable qu’un patron ou un président profite de sa jeune et jolie stagiaire. Qu’il use de son pouvoir pour en faire un jouet sexuel. Et puis qu’il la renvoie quand…

Mélodie toxique

« The brass », © Marianne Morris La mélodie s’éparpille à tous les vents. Elle déroule ses volutes grimpantes, brasse ses nuées d’embruns salés. Elle répand, sur les pavés humides,  la longue écharpe de ses brouillards nostalgiques. Je ne te vois pas, mais je sais que tu joues debout, les yeux fermés, toi le musicien ivre de rêves…

Toi, mon fils…

Tu es parti en cours, ce matin, comme tous les matins. Un peu à la bourre, de mauvais poil, excédé par un rien, mais sentant bon cette eau de toilette que je t’ai offerte pour tes seize ans. Alors que je me dis que, malgré tes colères, malgré mon exaspération, tout n’est pas si mal…